- ENSÉRUNE
- ENSÉRUNEENSÉRUNEL’oppidum d’Ensérune se dresse sur une colline haute de 118 mètres, qui est située dans l’actuel département de l’Hérault, entre Béziers et Narbonne, et qui, à quelques kilomètres de la mer, domine la plaine languedocienne, lieu de passage à toutes les époques. Cette position géographique explique le rôle de poste de guet et de marché, de trait d’union entre l’arrière-pays montagneux et le monde méditerranéen qui fut le sien dans l’Antiquité, et la multiplicité des civilisations qui s’y mêlèrent. Grâce aux fouilles qui y ont été menées entre 1915 et 1967, Ensérune reste le meilleur exemple d’habitat préromain dans le sud de la France. Des fouilles récentes (1988, 1995) ont porté essentiellement sur une partie de la nécropole à incinération. Les vestiges archéologiques ont été reconnus sur la totalité du plateau supérieur, sur les pentes nord, sud et est; ce sont des maisons de plan rectangulaire, généralement très simples, à une ou plusieurs pièces, dont seules les fondations en pierres sèches ont été conservées, des rues, des citernes et des silos creusés dans le sol; un rempart, surtout visible du côté nord, protégeait le site, qui était limité à l’ouest par un double fossé. Les ensembles les plus remarquables sont constitués par deux groupes de silos-citernes, l’un sur une terrasse à l’est de la colline (soixante-seize silos), l’autre, dit «château d’eau», sur la pente sud; près de ce dernier apparaissent les restes, malheureusement en ruine, d’un monument en grand appareil régulier, le seul que l’on ait jusqu’à présent découvert sur le site et dont la destination ne peut être précisée.Les débuts de l’histoire d’Ensérune se placent vers le milieu du \ENSÉRUNE VIe siècle, comme le prouvent les premières importations de poteries étrusques et grecques. Le village primitif se composait de huttes en pisé, dispersées sur toute la surface de la colline, et de silos qui servaient de resserres pour les provisions et de réserves à eau. Peu à peu, des contacts plus étroits s’établissent avec les pays de la Méditerranée, notamment avec les colonies grecques d’Occident. Vers la fin du \ENSÉRUNE Ve siècle, une ville mieux bâtie succède à ce village: les maisons sont alors concentrées sur la partie supérieure de la colline, à l’abri d’un rempart qu’on édifia sans doute au \ENSÉRUNE IVe siècle; elles sont en pierre et se répartissent suivant une ébauche d’urbanisme; à l’ouest s’étend une nécropole à incinération (\ENSÉRUNE Ve-\ENSÉRUNE IIIe s.), qui a fourni un très intéressant mobilier funéraire: armes et parures de métal, nombreux vases, souvent importés, dont l’un contenait les cendres du mort et les autres les aliments qu’on plaçait auprès de lui pour sa nourriture dans l’au-delà. Une dernière étape s’ouvre au \ENSÉRUNE IIIe siècle (env. \ENSÉRUNE 220); elle est caractérisée par une augmentation de la population et une extension de l’habitat, qui déborde en certains endroits l’ancien rempart et recouvre la nécropole, désormais désaffectée. Les Celtes semblent avoir conquis la région et s’être installés sur place. Après la fondation de Narbonne par les Romains, en \ENSÉRUNE 118, Ensérune subsista pendant environ un siècle et demi, jusqu’au début de notre ère: les influences romaines s’y manifestent par l’emprunt de formules architecturales nouvelles (grandes citernes appareillées, canalisations, peintures murales, etc.), par un urbanisme plus évolué, par des imitations assez grossières des ordres d’architecture classiques. Sa fin est due non à la guerre, mais à la paix: les habitants abandonnèrent progressivement le site perché, incommode, dépourvu d’eau et où se maintenaient des conditions de vie périmées: ils descendirent vers la plaine pour bénéficier d’un confort supérieur dans les villas et cités gallo-romaines des campagnes environnantes.La tradition indigène persista jusqu’à la fin à côté de la colonie romaine nouvellement fondée: le contraste éclate entre cet oppidum, où manquent les monuments publics et religieux chers aux civilisations classiques, où la grande sculpture, les inscriptions gravées sur la pierre sont inconnues, et les grandes villes gallo-grecques puis gallo-romaines du midi de la France. La région appartient depuis l’origine au monde ibérique, et les affinités y sont nombreuses avec la Catalogne espagnole: le trait le plus frappant à cet égard est la communauté de langue et d’écriture attestée par la présence des mêmes graffiti de part et d’autre des Pyrénées. Ces graffiti ibériques sont nombreux à Ensérune, tandis que l’usage des caractères grecs et latins y fut très limité: preuve que l’on continua à y parler et à écrire la langue (non encore déchiffrée) qui était celle des ancêtres. Mais respect de la tradition ne signifie pas imperméabilité aux influences extérieures. Des apports successifs enrichirent le fonds autochtone sans le détruire: les céramiques étrusques, grecques, italiques, les monnaies grecques, romaines, gauloises, les emprunts de rites funéraires, les produits de l’industrie celtique sont les indices les plus probants de ces échanges commerciaux qui formèrent une culture mixte d’une étonnante complexité.À Ensérune, un musée de site a été ouvert, au cœur même des vestiges conservés en sous-sol, dès 1937. Il abrite la totalité des trouvailles faites au cours des différentes campagnes de fouilles, réparties en deux grands ensembles: le rez-de-chaussée est consacré à l’habitat, l’artisanat, la vie quotidienne et les échanges commerciaux entre le \ENSÉRUNE VIe siècle et les débuts de notre ère; le premier étage présente les collections exceptionnelles issues de la nécropole dans laquelle plus de cinq cents tombes ont été découvertes et qui permettent d’établir l’évolution des pratiques funéraires entre le \ENSÉRUNE Ve et le \ENSÉRUNE IIIe siècle.
Encyclopédie Universelle. 2012.